AFP - 17/12/2005 14h32
Le Premier ministre britannique Tony Blair, le 17 décembre 2005 à Bruxelles
L'Union européenne a évité de s'enfoncer dans une spirale de crise et arraché samedi à Bruxelles un accord budgétaire pour financer à moyen terme son élargissement historique, en grande partie grâce aux concessions de Tony Blair sur le rabais du Royaume-Uni.
Le compromis adopté aux petites heures de la nuit, après plus de 30 heures d'âpres négociations, n'a pas tiré aux dirigeants des 25 les déclarations lyriques dont ils sont coutumiers.
M. Blair, qui jouait sur ce sommet le bilan de six mois de présidence britannique de l'UE, a salué à l'issue de la rencontre "un accord qui permet à l'Europe d'avancer".
"C'est un bon accord pour l'Europe qui se voit donner les moyens nécessaires pour financer ses ambitions... Une fois de plus, la crise a été surmontée", a estimé le président français Jacques Chirac, son principal opposant au départ.
"Un gros obstacle a été déblayé", a affirmé la chancelière allemande Angela Merkel, médiatrice remarquée pour son baptême du feu dans l'arène communautaire.
Le président français Jacques Chirac, le 17 décembre 2005 à Bruxelles
L'accord qui est intervenu n'est pas parfait, certainement pas joli", a résumé le Premier ministre belge Guy Verhofstadt, lui délivrant une modeste mention "acceptable".
Une entente sur le budget 2007-2013 d'une UE qui comptera alors 27 membres, avec la Bulgarie et la Roumanie, était cruciale à plus d'un titre.
L'enveloppe, fixée à 862,4 milliards d'euros pour toute la période, sera essentielle pour aider les pays d'Europe centrale et orientale à rattraper leur retard sur les anciens Etats membres.
Mais il s'agissait aussi pour les Européens de relever la tête après le double KO du non français et néerlandais à la Constitution, puis le fiasco de leurs premières empoignades budgétaires en juin.
Le Premier ministre britannique a fait le plus gros de l'effort: il a accepté d'abandonner près de 20% (10,5 milliards d'euros) de l'argent (50 à 55 milliards) qui serait revenu à son pays au nom du rabais concédé depuis 1984 sur sa contribution aux finances communautaires.
A mille lieues des louanges qui lui ont été adressées sur le continent, la presse londonienne lui a fait sentir à la maison samedi le coût politique potentiel de cette concession.
"Il donne VOTRE argent à l'Europe, mais il n'obtient RIEN en échange", s'est insurgé le Sun. Seul le Times (conservateur) l'a crédité d'avoir "réussi ce que ses adversaires avaient longtemps estimé impossible" en décrochant un accord.
M. Blair a justifié son attitude par "l'intérêt national" du Royaume-Uni, qui aurait subi sans son geste "des dégâts immenses" en voyant s'éloigner de lui ses alliés d'Europe de l'Est.
"Nous conservons le rabais", a-t-il souligné, faisant valoir qu'il avait simplement accepté d'en contenir la hausse.
Le Premier ministre polonais Kazimierz Marcinkiewicz, le 16 décembre 2005 à Bruxelles
©AFP - Gérard CerlesTony Blair a aussi obtenu gain de cause sur l'un de ses thèmes les plus chers, à savoir l'inclusion dans l'accord de Bruxelles d'une clause de "révision exhaustive et large" de l'ensemble du budget à l'horizon 2008-2009, qui inclura les dépenses de la politique agricole commune.
La France a résisté longtemps à une telle clause, de peur de perdre des subventions dont elle est la principale bénéficiaire. Mais la concession est surtout symbolique de la part de M. Chirac, qui aura vraisemblablement quitté le pouvoir avant une révision de toute façon impossible sans unanimité.
Jusqu'à la dernière minute, le dénouement du sommet de Bruxelles a été retardé par les réticences de la Pologne. Varsovie jugeait insuffisant le montant des aides régionales lui étant destinées, et a finalement obtenu 4 milliards d'euros de plus que ce que Londres lui offrait début décembre.
"Le goût de la victoire est bon comme le goût du bon champagne français", s'est exclamé le Premier ministre polonais Kazimierz Marcinkiewicz.
Mais la grande gagnante de la rencontre est sans conteste Angela Merkel. C'est elle qui a rallié M. Blair au montant global de 862,3 milliards du budget, à mi-chemin entre l'offre de Londres et celle de la précédente présidence luxembourgeoise.
Trop heureux sans doute de ne pas hériter du dossier à la veille de prendre lui-même les rênes de l'UE le 1er janvier, le chancelier autrichien Wolfgang Schüssel a salué son "rôle extraordinairement important" en coulisses et sa "performance brillante".