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 La Théocratie

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mos
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mos


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MessageSujet: La Théocratie   La Théocratie Icon_minitimeJeu 23 Juin 2005, 12:00

En étant convaincu que la problématique est le résultat d’un processus, nous allons commencer avant tout par définir ce qu’est la théocratie.

Selon le Baron d’Holbach(1), Paul Henri DIETRICH, la Théocratie est une belle forme de gouvernement inventé par Moïse pour la commodité de la tribu Lévi, dans laquelle Dieu seul est le souverain et par conséquent ses chers prêtres sont les maîtres des corps et âmes des hommes.

Ceci dit, un Etat théocratique est un Etat dans lequel existe un gouvernement de Dieu ou de son église. Toutes les personnes, même publiques ou étatiques sont soumises à une seule religion comme religion d’Etat. Cette religion légitime le pouvoir politique et est considérée comme la source unique de tout le droit.

Autrement dit, le pouvoir vient de Dieu, lui seul légifère. C’est une relation entre Dieu et sa créature, où, Dieu est à l’origine du pouvoir et sa créature est soumise à ce pouvoir.

Ce qui rend ce sujet plus intéressant, c’est le second niveau du mode de gestion de l’Homme qui fait qu’après s’être soumis au pouvoir divin l’Homme rentre en relation avec son semblable. A partir de ce moment là, on ne parle plus de soumission mais de domination. Chose qui remet en question la liberté de l’individu.

La question qui se pose maintenant est comment peut-on schématiser concrètement l’application de la théocratie ? et quelles sont les lacunes de cette application ?

Pour répondre à ces questions, nous prendrons pour exemple les Etats dits "Islamistes". Notons, par contre, qu’il existe plusieurs mouvements fondés sur d’autres religions qui revendiquent la création d’un Etat théocratique notamment le Catholicisme en Irlande et le Judaïsme en Israël.

Ainsi, nous allons en première partie schématiser l’application de la théocratie dans les Etats islamistes. Nous consacrerons, par la suite, la seconde partie aux limites de la théocratie et les raisons qui font que certains pays refusent cette idée.

Schématiquement, deux conceptions de la théocratie sont répandues dans les pays musulmans et s’affrontent aujourd’hui.

La première, "Modérée" est appliquée dans la majorité des pays musulmans notamment au Maroc, en Tunisie et en Egypte. Selon les partisans de cette conception, il est tout à fait possible d’importer des institutions et techniques juridiques occidentales à condition de séparer religion et politique. Par ailleurs, la séparation Religion-Politique n’exclurait pas que le législateur s’inspire de la religion musulmane et donc que le coran devienne une source de droit parmi d’autres.

L’autre conception, "Radicale", est appliquée avec nuances importantes dans une minorité de pays musulmans comme l’Iran, le Soudan, le Pakistan et revendiquée par une partie de l’opposition religieuse en Algérie, en Egypte et en Turquie. Selon les partisans de cette conception, le droit constitutionnel occidental est incompatible avec l’Islam qui fournirait un modèle de gouvernement original, des normes juridiques propres pouvant conduire à la création d’Etats théocratiques dits "Islamistes".

Dans la mesure où la source théocratique se veut exclusivement religieuse, nous allons nous situer dans la seconde conception. Dans ce sens, les Etats islamistes avec plus ou moins de rigueur se veulent des Etats théocratiques. Ce qui se traduit par l'existence d'une souveraineté de droit divin et d'un droit dont la source exclusive serait religieuse.

Ainsi, la souveraineté est de droit divin. Tout le pouvoir vient de Dieu, en théorie, il n'y a pas d'autre autorité qu'Allah qui ne saurait la déléguer.

Quand au droit, il vient aussi de Dieu et doit trouver sa source :

- dans le Coran

- à défaut dans la Sunna, ou "coutume ancestrale" - c'est-à-dire les récits des faits et gestes du Prophète recueillis par ses Compagnons et interprétés par les.

- le hadîth, les récits relatifs au comportement du prophète transmis par les témoins directs et indirects. Ils sont extrêmement nombreux, s'élevant à plusieurs centaines de mille et plus ou moins fiables.

- à défaut, on passe au "Ijmâa" (l’unanimité) et à l’Ijtihad (la jurisprudence).


Ensemble, le Coran et la Sunna constituent l'essence de la Charî'ah ou Loi révélée. Le droit (Mu'âmalât) selon les islamistes serait littéralement ou intégralement contenu dans le livre de Dieu (c'est pourquoi on parle d'intégrisme). On doit y trouver directement toutes les normes nécessaires de droit civil, pénal, constitutionnel ; normes qui suffisent à organiser la vie d'un Etat islamiste théocratique et celle des individus.

En Arabie Saoudite, par exemple, la charî'a est appliquée directement sans l'intermédiaire d'une codification, d'une mise en forme ou adaptation par la loi ordinaire ou la Constitution. Aussi, cette constitution saoudienne n'a pas le statut d'une Constitution à l'occidentale : elle n'a pas d'autonomie par rapport au droit divin. D'ailleurs son article 1 prévoit que le Coran et la Sunna sont la " Constitution [substantielle] " de l'Arabie Saoudite.

Nombreux sont les pays musulmans qui ont choisit la théocratie, mais il existe aussi des Etats musulmans dits "modérée" qui refusent cette idée. Le refus de la théocratie par ces pays se base sur une triple absence (2) :

1. Absence de souveraineté de droit divin : La souveraineté dans ces Etats est démocratique : elle appartient à la Nation (Maroc article 1er) ou au peuple.

2. Absence de Religion d'Etat : Il est vrai que l'Islam est souvent reconnu comme religion d'État (Maroc-art.6), Mais cette disposition signifie seulement que l'Islam peut inspirer le droit dans certaines de ses branches. Pour justification, les partisans de la conception modérée font remarquer que la notion de Religion d'Etat ou de théocratie est absente de la charî'a ou de la tradition musulmane. Dès lors, rien n'oblige l'État à appliquer un droit exclusivement islamique.

3. Absence d'un droit exclusivement islamique : Aucun pays n'applique un droit strictement islamique. D'abord, parce que des domaines entiers sont gérés par le droit occidental, ensuite parce que le droit islamique, lorsqu'il est appliqué, a souvent été interprété, adapté ou modifié.


Les partisans de la conception modérée justifient cette position par plusieurs arguments notamment l’impossibilité d’utiliser directement la chari’a et son silence dans le domaine public.

En effet, si on veut appliquer à la lettre la loi religieuse, on est obligé de faire comme si son sens était évident ou ne devait pas faire l'objet de raisonnements, de constructions doctrinales. On oublie ou on refoule le moment de l'interprétation. Tout cela parce qu'on a affaire à un texte d'origine divine. Cette fiction a plusieurs conséquences :

- En voulant appliquer littéralement la charî'a, on aboutit en fait à privilégier sans le dire certaines interprétations doctrinales, parfois anciennes ou dépassées qui ne tiennent pas compte de l'esprit du Coran ou de l'évolution des sociétés musulmanes.

- En voulant appliquer à la lettre la charî'a sans dire quelle position on a choisie, non seulement on privilégie une interprétation, mais on renforce aussi le rôle des prédicateurs et des militants. Ces derniers considérés comme des spécialistes de l'application de la loi, deviennent des guides, des autorités auto-habilitées à faire avancer la société vers le gouvernement de Dieu qui est en fait leur gouvernement. Donc, on passe du 1er niveau du mode de gestion de l’Homme (Dieuà Créature) au second niveau. Soit, une relation Hà H, qui fait que l’Homme est dominé par l’Homme. Autrement dit, l’autorité, dans ce cas, est exercée par l’Homme au nom du Dieu.

Aussi, la loi divine ne pourrait fournir des normes juridiques que dans le domaine du droit privé ; elle serait presque muette dans le domaine du droit public. Ainsi, le Coran et les Hadith ne fixent des règles précises que pour ce qui concerne le mariage, le divorce, l’héritage...etc., soit le statut personnel. Il faut ajouter quelques règles fondamentales comme l'interdiction de l'usure (ribä) ou l'obligation de l'aumône légale (zakät). Voilà pourquoi un droit public spécifiquement ou intégralement musulman serait une utopie.

Si on veut absolument tirer des normes de droit public de la charî'a, on est amené à faire des extrapolations et l'on travestit le sens des mots du Coran.

La loi religieuse devient, donc, une idéologie au sens où l'on essaye de tirer d'elle des normes morales mais aussi politiques et juridiques, valables dans les domaines de la vie privée et publique, capables de tout régir. Les recueils contemporains de fatwâ (consultations juridiques) illustrent cela à la perfection. On y traite à la demande des fidèles les questions suivantes : est-il licite de vendre des appareils de radio et de télévision, quid du Coca-Cola et du Pepsi-Cola ? etc. Le sermon devient un média idéologique : le prédicateur ne prononce pas seulement des discours édifiants, mais donne aussi des ordres, prend des décisions, émet un avis sur des affaires politiques et en général sur des affaires intéressant la communauté. Soit, encore une fois, l’Homme dominé par l’Homme.

En résumé, une seule équation pourrait représenter aussi bien l’application que les limites de la théocratie.

Religion = Législation = Ordonner et commander = Stratégie = Politique
Soit, on aboutit à une politisation très forte de la religion (Religion = Politique).


En guise de conclusion, une citation de Victor HUGO ; « Toute civilisation commence par la théocratie et finit par la démocratie. »(3). N’empêche, la théocratie pourrait aboutir à privilégier certaines interprétations doctrinales, parfois anciennes ou dépassées qui ne tiennent pas compte de l’évolution des sociétés.
Ceci dit, l’idéal serait de séparer la politique de la religion. La question qui se pose, par contre, est combien de temps la théocratie va-t-elle encore tenir dans ce monde ?




(1) Théologie portative, ou dictionnaire abrégé de la religion chrétienne par M. l’abbé Bernier, Paul Henri DIETRICH, éd. de Londres 1768.
[(3) Notre Dame de Paris, Victor HUGO



Bibliographie :

- Qu’est ce que le pouvoir politique ?, Jacques LANGLOIS
- Théologie portative, ou dictionnaire abrégé de la religion chrétienne par M. l’abbé Bernier, Paul Henri DIETRICH, éd. de Londres 1768.
- Notre Dame de Paris, Victor HUGO
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