La pénalisation du droit des marchés publics
Auteur : Catherine Prebissy-Schnall, Maître de conférences Date de publication: 28/07/2003
Note : Cet article est la synthèse d'un ouvrage complet de Mme Catherine Prebissy-Schnall, Maître de conférence en droit public à l'université de Paris X Nanterre.
Références : "La pénalisation du droit des marchés publics", publié aux éditions LGDJ dans la collection Bibliothèque de droit public (tome 223).
II. La pénalisation comme catalyseur des contrôles administratif et financier
Les marchés publics représentent, par essence, une matière pluridisciplinaire se situant au carrefour de plusieurs domaines où le droit doit servir une bonne gestion économique et technique des marchés. Les contrôles juridictionnels mis en place appréhendent ainsi les marchés publics dans toutes leurs dimensions et implications : les sanctions administratives et financières sont traditionnellement destinées à mettre en cause les institutions alors que les sanctions pénales frappent la personne à l'origine du comportement fautif. Le but ainsi recherché est de garantir une sécurité juridique optimale dans les marchés publics dans la mesure où l'instauration de ces nombreux contrôles rend bien difficile la recherche des voies de l'impunité pour les délinquants.
Or, la pluralité des contrôles provoque, au contraire, un sentiment d'insécurité juridique, les praticiens ne sachant plus comment se mouvoir dans les espaces de liberté accordés par les textes. Faut-il alors remettre en cause le mouvement de pénalisation des marchés publics à l'origine de l'insécurité contentieuse ressentie par les professionnels ?
L'irruption du juge pénal sur la scène de la commande publique s'est faite, en effet, au moment même où les mécanismes de contrôles traditionnels ont été “ renforcés ou réactivés ” sous l'impact positif du droit communautaire. L'installation progressive du préfet et des CRC dans l'horlogerie institutionnelle a permis la mise en place de contrôles efficaces qui peuvent certes encore appeler des ajustements mais dont la finalité préventive est désormais plus fondamentale que jamais dans une période où l'illégal toléré ne l'est plus. Le préfet et le juge financier proposent une sorte de procédure de repentis : à travers leurs contrôles, ils dévoilent les erreurs commises par les intéressés et peuvent décider s'il y a lieu de poursuivre ou non.
Le contrôle exercé par le juge pénal a eu ainsi une efficacité curative : il est venu remédier au manque de contre-pouvoirs ou plus exactement est intervenu dès que les contrôles existants ont manifesté des signes de défaillances face aux atteintes à la réglementation des marchés publics. Si le droit pénal présente un caractère thérapeutique, c'est parce que le droit des marchés publics était, en réalité, un droit pathologique, qui traversait une crise d'adaptation et qui appelait l'intervention énergique d'un praticien en la personne du juge pénal.
La pénalisation a joué un rôle de catalyseur sur les contrôles administratif et financier qui s'inscrivent davantage dans une logique préventive et régulatrice et dont les sanctions sont désormais dotées d'une efficacité supplémentaire en raison de la menace des sanctions pénales qui est brandie contre ceux qui se soustrairaient à leur application.
Armée pour sanctionner, la pénalisation tire davantage sa force de sa stratégie de dissuasion qui contraint à prendre conscience des difficultés inhérentes au processus de dévolution d'un marché, de la dilution des responsabilités et oblige à remédier à ces difficultés. Elle accompagne et encourage la mise en place de structures innovantes qui permettrait à l'action publique d'être plus transparente et plus efficace. Ce cheminement vers une meilleure définition des objectifs et vers un meilleur dialogue interne témoigne ainsi de l'apport de la pénalisation à la modernisation du fonctionnement des administrations.
L'apport essentiel de cet ouvrage est donc d'avoir structuré un champ de connaissance spécifique fédérant deux disciplines différentes qui avaient jusqu'alors