Nouvelle politique d’approche du dossier du Sahara : Home sweet home
Le Maroc change visiblement de politique pour la résolution du dossier du Sahara. Cela est perceptible à travers diverses actions menées tout récemment par le pays. Parmi elles figurent la visite royale au Sahara en mars, la constitution du Conseil Royal Consultatif pour les Affaires du Sahara (CORCAS)… Aujourd’hui, ce sont ces 48 prisonniers qu’on décide de libérer.Des émeutes anti-marocaines avaient éclaté en mai 2005 dans le territoire. A l’origine de ces manifestations, des partisans du front POLISARIO. Ils ont été incarcérés à la fin de l’année dernière et condamnés à des peines allant de 10 mois à 5 ans. Aujourd’hui, ces prisonniers sont libres. Dorénavant, plus aucun détenu ne restera derrière les barreaux pour ses positions concernant le différend du Sahara.
Cette décision survient le lendemain de la présentation du rapport de Kofi Annan sur le dossier. Le Maroc y voit des éléments positifs, dans le sens où le document indique que le seul moyen d’arriver à une solution est d’entrer dans des négociations directes ; le rapport appuie également la nécessité de «mettre sur pied un compromis entre la loi internationale et la réalité politique pour parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable ». Autrement dit, l’ONU ne se mêlera plus de cette affaire de manière directe. Elle va donc se contenter de superviser les négociations et de proroger le mandat de la MINURSO jusqu’au 31 octobre, le temps que les pourparlers aboutissent.
Il faudra donc bien se mettre autour d’une table et discuter sans langue de bois des solutions éventuelles. Le Maroc emprunte déjà cette voie à travers le Président du CORCAS, Khalihenna Ould Errachid. Cet ancien ministre adopte un langage foncièrement différent. C’est avec une pensée claire et des intentions réfléchies qu’il s’adresse aux uns et aux autres dans le but de les faire adhérer au projet marocain.
L’idée est celle de la mère patrie qui ne souhaite que de regrouper ses enfants autour d’elle, de réaliser la cohésion nationale en oubliant les différends du passé et surtout en permettant à chacun d’être libre de décider de la manière dont il voudrait gérer ses affaires. C’est en fédérateur des sensibilités sahraouies que Errachid se positionne, tenant un discours sentimental et unificateur sans pour autant manquer de réalisme. Cette nouvelle technique de communication prend le soin d’appeler le POLISARIO et la RASD par leurs noms, mais aussi de marteler que les activistes au sein du front sont, somme toute, nos frères.
Le Maroc invite donc les Sahraouis de tous bords à rentrer au bercail, jouissant bien évidemment de l’autonomie souhaitée. Le plan en question devait être déposé à l’ONU en ce mois d’avril, mais cela a été reporté de six mois, le temps de prendre en compte les propositions des partis politiques marocains, mais aussi de présenter un dossier bien ficelé qui garantirait la liberté des Sahraouis sous souveraineté marocaine.
Le contenu du projet d’autonomie reste inconnu jusqu’à aujourd’hui. Ce qui est sûr, c’est qu’il devra impérativement répondre à plusieurs questions : l’autonomie rime-t-elle avec la régionalisation de tout le Maroc ? Logiquement, ce devrait être le cas. Accorder l’autonomie au Sahara uniquement reviendrait à délaisser des régions «du nord » qui finiront forcément par réclamer leur ’’autonomie’’ également. Bien évidemment, il s’agirait plus d’un processus de régionalisation que d’une autonomie aussi poussée que celle adoptée au Sahara, au début, du moins. Mais là encore, il faudra donner du temps au temps, s’inspirer inévitablement de modèles étrangers -espagnol, plus particulièrement- en les transposant à la réalité marocaine. D’autres questions surgissent alors concernant le nombre de ces régions. Plusieurs facteurs sont à prendre en considération : les particularités historiques et culturelles de la région, mais également sa viabilité économique, afin qu’on puisse parler de réelle autonomie.
Quant au mode de gouvernance, Errachid a déjà affirmé que le Sahara aura son propre Parlement, son gouvernement et sa police. Les modalités d’application de la justice ne sont pas encore établies, mais ce qui est sûr c’est qu’elle sera prononcée au nom du Roi, comme partout sur le sol marocain. Côté économie, la tâche est plus ardue. Aucune information ne circule encore concernant le partage éventuel des richesses avec le pouvoir central.
Quant à la présentation du projet, elle devra apparemment être assurée par une délégation de juristes, de membres du CORCAS, de diplomates et de membres du Ministère de l’Intérieur.
Tout cela prendrait évidemment beaucoup de temps avant d’être au point, mais que signifieraient quelques années de plus pour la résolution d’un conflit qui n’a que trop duré ?
Toutes ces intentions et attentions sont encourageantes, cependant rien n’est encore gagné. Reste à convaincre le POLISARIO de la pertinence du projet… et l’Algérie également.