Le consommateur marocain est-il suffisamment protégé contre la publicité mensongère? «Non, il ne l’est pas du tout, il n’existe aucun texte ou loi lui offrant cette protection», affirme un juriste de Casablanca. Mais, peut-être, plus pour longtemps encore.
En effet, devant le vide juridique en matière de protection du consommateur des risques et méfaits de la publicité mensongère, le groupe parlementaire du Parti de l’Istiqlal a déposé un projet de loi à ce sujet devant le Parlement. Un projet qui ne manquera sûrement pas de soulever de nombreux débats autour de la question.
Actuellement, les textes protégeant le consommateur relèvent davantage du code pénal et du code du commerce, assure M. K., juriste. Toutefois, ces textes s’inscrivent plutôt dans le cadre de la lutte contre les fraudes et la commercialisation de produits avariés ou périmés et donc impropres à la consommation, explique-t-il.
Longtemps attendue, la loi sur la publicité mensongère, si jamais elle est promulguée, ne manquerait pas de changer le visage de la publicité au Maroc. En fait, elle introduirait un nouveau concept, celui du publicitaire-citoyen qui n’acceptera pas de concevoir ni de diffuser des messages qui induisent en erreur le consommateur. Pour assurer à ce dernier la protection qu’il faut, le projet préconise notamment de s’opposer à toutes les campagnes jugées trompeuses et de condamner de telles pratiques conformément aux dispositions du code pénal. De telles pratiques sont à classer dans la «rubrique» des délits relevant de l’escroquerie et de l’abus de confiance et leurs auteurs doivent être poursuivis en pénal, juge-t-on.
Le projet de loi sur la publicité mensongère n’y va d’ailleurs pas par quatre chemins: il propose des condamnations à des peines d’amendes allant jusqu’à 10 fois le montant du budget de la campagne publicitaire incriminée.
Pratiquement, le projet du Groupe parlementaire istiqlalien préconise d’interdire toute publicité écrite ou audiovisuelle comportant, entre autres, des données ou des dessins de nature à tromper le consommateur sur la qualité, la quantité, la composition, le lieu de fabrication ou encore les dates de fabrication et de péremption, l’utilisation et le tarif des produits proposés à la consommation.
Le projet de texte propose d’engager des poursuites judiciaires contre les parties intervenant dans toute campagne comportant de la publicité mensongère qu’elles soient des personnes physiques ou morales. Il vise ainsi les annonceurs ou commanditaires de la campagne publicitaire, ses concepteurs, ses supports écrits ou audiovisuels…
Allant plus loin encore, les auteurs du projet veulent doter le procureur général du Roi ou le procureur du Roi du pouvoir de stopper immédiatement toute publicité jugée mensongère. Cela sur la base de plainte d’un consommateur ou d’un organisme de la société civile, militant de la protection du consommateur. Après, il engage des poursuites à l’encontre de l’auteur du délit de publicité mensongère et soumet le dossier à la Cour.
Cette dernière prononce l’exécution immédiate, par la force de la loi, de la décision ordonnant l’arrêt de la diffusion, sous toutes ses formes, du message comportant de la publicité mensongère. Les rédacteurs du projet de loi ont, ainsi, voulu quadriller la décision du procureur lui donnant du même coup une plus grande force. Ainsi, la décision est immédiatement exécutoire, alors même que l’affaire arrive à peine devant le tribunal. Ceci, explique notre juriste, est pour empêcher le message comportant de la publicité mensongère de faire davantage de victimes parmi les consommateurs. La décision d’arrêt de diffusion ne peut être annulée que dans deux cas: - si le parquet, ou le juge d’instruction, décide de ne pas engager de poursuites – et si la Cour prononce l’acquittement des accusés.
Dans tous les cas de publicité mensongère, la Cour édicte la nouvelle forme du message incriminé après que toutes les corrections requises y soient introduites conformément à la loi. Le rendu du jugement doit être publié en même temps que ses méthodes de distribution et de diffusion, ainsi que ses délais d’exécution.
«Il est évident que le projet de loi ne passera pas tout de suite devant les deux chambres du Parlement et qu’il faut attendre pour le voir entrer en application, mais il faut avouer qu’il a, maintenant, au moins le mérite d’exister», estime le juriste.
Ce qu’en pense la Haca
Du côté de la Haute commission de l’audiovisuel (Haca), on indique que l’institution est «normalement concernée par ce projet».
D’ailleurs, la loi sur l’audiovisuel comporte toute une partie qui est réservée à la publicité, tient-on à rappeler. C’est pourquoi, on estime qu’une loi sur la publicité mensongère sera la bienvenue. Le domaine de la publicité a toujours été, du moins dans notre pays, un domaine non codifié, indique-t-on. Cependant, toute loi ne serait que parcellaire tant qu’elle n’est pas accompagnée de l’encadrement nécessaire et adéquat et ce à tous les niveaux, souligne Ahmed Akhchichine, directeur général de la Haca.
Source: L'Economiste