mos Rang: Administrateur
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| Sujet: La réconciliation au Maroc .. Comparaison! Jeu 19 Jan 2006, 16:45 | |
| Extraits de : "Le Monde Diplomatique" de avril 2005 http://www.monde-diplomatique.fr/2005/04/ALAMI/12093
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Il est vrai que la majorité des noms des tortionnaires ont déjà été publiés par la presse indépendante. L’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) avait lancé le mouvement en publiant, en 2001, une liste de 44 noms, parmi lesquels un certain nombre de hauts gradés des Forces armées royales (FAR) encore en fonction au sommet de la hiérarchie sécuritaire. Parallèlement, la publication de témoignages ou d’ouvrages historiques consacrés aux « années de plomb », devenus des succès de librairie, est venue étayer les accusations.
Il n’est donc pas étonnant que des personnages comme M. Youssfi Kadour, le bourreau principal du mouroir de Derb Moulay Cherif (lire « Témoignage sur les "années de plomb" »), ait envisagé la mise en place d’un éventuel comité de défense pour assurer ses intérêts et faire accepter l’idée d’une responsabilité diluée dans la chaîne de commandement.
Mais la vérité peut-elle jaillir des bourreaux ? La caractéristique de la justice de transition, si l’on se réfère aux expériences étrangères, est de faire généralement peu de place aux poursuites judiciaires : des lois d’amnistie sont adoptées, des réparations octroyées aux victimes, et des commissions chargées d’établir un récit historique consensuel. Seul le mécanisme sud-africain, fondé sur l’aveu du responsable d’exactions en échange de l’amnistie, est différent. Selon le sociologue Ali Ababou, « on ne peut pas comparer le cas sud-africain, fondé sur un système discriminatoire et raciste comme l’apartheid, et celui du Maroc, plus proche des expériences sud-américaines : des dictatures compulsives avec un fond idéologique fragile ».
En dépit de ses limites, ce qui se passe au Maroc est important. « Les limites dont on parle sont classiques », souligne le politologue Mohamed Tozy. Classiques, certes, mais elles ternissent de manière considérable le travail de mémoire. Dans la plupart des sociétés qui ont franchi le pas de la transition démocratique (Argentine, Chili, Uruguay, Afrique du Sud), ces mesures sont le résultat de rapports de force entre les nouveaux responsables et les sortants. Mais le Maroc constitue un cas à part, car il y a une continuité au moins formelle entre l’ancien et le nouveau régime.
Le chercheur Mohamed Berdouzi, qui est aussi membre de l’IER, considère que l’expérience marocaine se distingue non seulement par le fait qu’elle a été déclenchée « à froid », et non imposée par une crise ouverte, mais aussi parce qu’elle rencontre « une volonté collective de toutes les forces en présence pour traiter cette question selon une approche distincte, originale ». Ce consensus n’est pas si évident : des voix discordantes s’élèvent aussi bien au sein de l’AMDH que chez de nombreuses victimes.
On rencontre celles-ci dans les couloirs sans âme d’un hôtel du quartier Hassan, à Rabat. Ce sont des témoins auditionnés, familles de victimes ou victimes elles-mêmes d’exactions. Une répression qui ne faisait pas de distinction régionale. Ces personnes sont originaires de toutes les zones du pays, parlent tout l’éventail des dialectes locaux. Elles semblent différentes. Pourtant, elles se reconnaissent au premier coup d’œil. Regards sans vie dans lesquels pointe, parfois, une flamme de folie. La folie de la barbarie qui les a tourmentés.
M. Abdallâh Agaou, par exemple, est le représentant des détenus de Tazmamart, le tristement célèbre bagne érigé dans une zone désertique du sud du Maroc dont Hassan II avait toujours nié l’existence. Le 16 août 1972, ce sous-officier a servi les cartouches aux artificiers pour armer les avions de chasse qui ont tenté d’abattre l’avion dans lequel se trouvait le roi.
Le port altier et la voix claire, il se prépare pour son audition, prévue dans la soirée. Son avis est mitigé sur ce « processus de réconciliation », qu’il considère comme un pis-aller. « On ne peut pas être satisfait de la manière dont l’IER a négocié cette phase. Mais nous étions prêts à collaborer et nous avons donc accepté de taire les noms des responsables pendant les auditions publiques, parce que nous considérons que ce processus doit être envisagé dans le long terme. »
Pour les victimes, la fin du cycle de répression ne peut pas s’achever par ces audiences. Les tribunaux doivent prendre le relais. « Avec qui voulez-vous que je me réconcilie ?, martèle M. Agaou. La réconciliation et le pardon nous dépassent maintenant. C’est à la société civile de prendre le relais et de renforcer notre combat. Car lorsqu’on me dit : “Allez devant la justice pour qu’on puisse définir les responsabilités effectives des personnes qui ont abusé de leur pouvoir”, je souris. J’ai moi-même été condamné par cette justice à trois ans de prison qui se sont transformés en vingt-deux ans de calvaire par un tour de passe-passe. On connaît tous la servilité de notre justice... Il est donc fondamental que nos actions soient soutenues par la société civile et les médias. »
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Younes Alami et Ali Amar
"Le Monde Diplomatique" de avril 2005 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
En Afrique Du Sud, La Commission Vérité Et Réconciliation A Eté Créée En Décembre 1995 Pour Mettre A Jour Les Violations Des Droits De L’homme De 1960 A 1994. Pour Le Burundi, La Loi N°1/018 Du 27 Décembre 2004 Portant Missions, Composition, Organisation Et Fonctionnement De La Commission Nationale Pour La Vérité Et La Réconciliation Disponible Sur Www.Arib.Info, Pour Le Maroc, Voir Dahir N° 1.04.42 Du 10 Avril 2004 Portant Approbation Des Statuts De L’instance Equité Et Réconciliation Installée Par Le Roi Mohamed Vi, Le 7 Janvier 2004, Disponible Sur Www.ier.Ma/Fr.
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Vous trouverez là un tres bon resumé sur le processus de reconciliation en Afrique de Sud : http://www.unesco.org/courier/1999_12/fr/dossier/txt04.htm | |
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